Près de la moitié des responsables financiers d’entreprises de toutes tailles interrogés du 19 janvier au 5 février par OpinionWay déclaraient ne pas tout connaître de la réforme du e-invoicing. Cette attitude humble dresse un portrait sans concession de l’appropriation de cette réforme majeure de la facturation électronique en France. Même si le contour général est connu de la majorité, le détail et l’impact sur les processus de facturation de chacun peut apparaître plus flou pour la plupart.
Deux éléments sont communément partagés, celui de sa complexité et celui du temps du projet. 55% de ces entreprises estiment qu’elles y passeront entre 12 et plus de 24 mois. 35% des sociétés de plus de 500 salariés ont entamé la mise en œuvre du projet visant à être conforme avec l'obligation de facturation électronique (e-invoicing) depuis plus de 24 mois... Revenons aux fondamentaux et expliquons ce qu'est une facture électronique au sens de cette réforme.
Qu'est-ce qu'une facture électronique selon la réforme et quels sont ses prérequis ?
On dénombre 6 prérequis qui seront indispensables au traitement des factures électroniques lorsque la réforme entrera en application :
- Diagnostiquer la qualité des données et mettre à jour sa base clients/fournisseurs et sa base articles
- Identifier les cas d’usages concernés par cette réforme et s’assurer du bon fonctionnement de la solution de facturation choisie (facture d’acompte, payée par un tiers, intermédiaire transparent, multi-commande etc.)
- S’assurer que les factures comportent les 34 mentions obligatoires dont 4 nouvelles
- S’assurer de la capacité à suivre les 14 statuts de traitement de la facture (déposée, rejetée, refusée, encaissée, etc.)
- Être capable de fournir un e-reporting tous les 10 jours à l’Administration Fiscale sur toutes les transactions BtoC et BtoB à l’international
- Être capable de transmettre des factures dans un format électronique que ce soit de l'UBL, du CII ou du Factur-X
2% des entreprises seulement sont conformes sur tous ces prérequis, c’est dire le travail qu’il reste à accomplir.
Revenons maintenant sur le détail de ces éléments afin de déterminer quels éléments de conformité avec la future réglementation de la facturation électronique peuvent être anticipés.

La qualité des données, une épine dans le pied de bon nombre d’entreprises
L’Administration Fiscale va mettre prochainement à disposition un annuaire, c’est un des éléments centraux de la réforme de la facturation électronique. Dans cet annuaire, se retrouveront les codes SIREN et les dénominations des entreprises ainsi que les SIRET et les codes de routage si nécessaire (par exemple, si l’entreprise dispose de plusieurs établissements). Cet annuaire sera « interrogé » par toutes les Plateformes de Dématérialisation Partenaires (PDP) au moment de l’envoi des factures électroniques. Si les données sur vos clients sont fausses, incomplètes ou erronées, vous ne pourrez pas alors les retrouver facilement et la personne du back-office en charge de l’envoi de la facture électronique perdra un temps précieux sans oublier que la facture au format numérique pourra être rejetée si elle est poussée malgré tout.
Chrystelle Verlaguet, VP des solutions logicielles et experte de la e-facturation, nous indique à ce sujet : « La qualité des données est primordiale pour le bon fonctionnement d’une entreprise. Cette action peut être décorrélée de la mise en conformité avec la réforme de la facturation électronique et peut déjà être entreprise maintenant. Le temps gagné ici pourra être crucial par la suite. »
La lourde tâche de l’identification des cas d’usage
Là aussi, les cas d’usage même s’ils pourraient être complétés par la suite, sont connus et ont été communiqués par l’Administration. Les entreprises peuvent donc tout à fait les consulter ou se procurer une check-list pour être sûr de ne rien oublier et commencer le travail d’identification selon le vieil adage, rien ne sert de courir, mieux vaut partir à point. Ces cas d’usage sont au nombre de 36. Par exemple, l’intitulé « facture à payer à un tiers » est divisée en 3 : facture à payer à un tiers connu à la facturation (ex. affacturage), facture à payer à un tiers qui gère aussi commande / réception, voire facturation (ex. : distributeur / dépositaire), facture à payer à un tiers inconnu à la facturation (affacturage à la demande). Le cas d’usage « facture avec « adressé à » différent de l’acheteur » (un siège social passe commande pour ses magasins qui reçoivent la marchandise mais pas la facture) peut aussi poser problème lors du transfert de la facture à la plateforme publique du gouvernement, le concentrateur de données (entités donc SIRET différents). Les différenciations peuvent ne pas toujours être claires, tout comme le rapprochement de certains de vos cas à ces fameux cas d’usage, des audits de vos processus financiers peuvent être menés pour vous accompagner dans cette tâche d’identification et de traitement des cas identifiés.
L’intégration des futures mentions obligatoires
Vos futures factures devront comporter 34 mentions dont 4 nouvelles comme le SIREN de votre client. Votre logiciel de facturation devra donc être en mesure de les retrouver dans vos systèmes et de les générer. Ces mentions sont elles aussi connues, c’est donc un sujet que vous pouvez aborder dès à présent pour davantage de sérénité le jour J. Ces mentions serviront à l’Administration Fiscale pour récupérer les données dont elle a besoin pour contrôler « en temps réel » les déclarations de TVA.
36 cas d’usage, 34 mentions obligatoires, cela représente de nombreux chantiers et adaptations… même si bien sûr aucune entreprise ne saurait être confrontée à tout. Selon l’étude OpinionWay pour Quadient, 40% des entreprises ont déjà entamé une réflexion sur le sujet de la mise en conformité et 32% annoncent même avoir un projet en cours dessus. Celles-ci sont donc bien conscientes du chantier qui les attend !
La remontée des statuts de traitement
Le cycle de vie des factures fournisseurs et le suivi de leur traitement intéresse de nombreux services (back-office, comptabilité fournisseur, recouvrement) ainsi que de nombreux acteurs au sein de l’entreprise du responsable back-office au chef d'entreprise en passant par le responsable financier et le Credit manager. Car de la rapidité de leur traitement, de leur dépôt sur une Plateforme de Dématérialisation et de leur encaissement dépend le cash-flow de l’entreprise. 4 statuts vont être obligatoires pour la conformité à la réforme du e-invoicing : déposée sur une Plateforme de Dématérialisation Partenaire (PDP), rejetée pour un motif technique, refusée pour une raison métier et encaissée. 10 autres sont recommandés. On trouve par exemple : suspendue, en litige, approuvée partiellement… Ces statuts, même non obligatoires sont également importants, notamment pour le département recouvrement des entreprises.
Selon Chrystelle Verlaguet, certains statuts pourront être très complexes à gérer comme le statut refusé : « il entraîne de nombreuses conséquences car il nécessite a minima l’édition d’un avoir (un autre cas d’usage), la réédition d’une nouvelle facture une fois que la source du problème aura été identifiée. Cela mobilise plusieurs équipes, consomme du temps, génère du stress et retarde l’encaissement. Dans un contexte où on attend des délais de paiement améliorés, des retards de paiement évités au maximum et des processus optimisés, la gestion de ce statut peut s’avérer problématique. »
Vous avez dit : un e-reporting tous les 10 jours ?
Les transactions BtoC et BtoB internationales ne sont pas soumises au e-invoicing mais au e-reporting. A ce sujet, dans le sondage OpinionWay, 30% des entreprises facturent des individus et des entreprises et 16% aussi bien sur le territoire français qu’à l’international. Cela signifie donc que beaucoup d’entreprises devront aussi bien être conformes au e-invoicing qu’au e-reporting. A ce jour, il est demandé une transmission des données de facturation tous les 10 jours si vous êtes soumis au régime fiscal réel normal et tous les mois pour les autres régimes fiscaux.
Chrystelle Verlaguet souligne ici la difficulté « d’agréger des données de transaction de différents points de vente, qui parfois n’utilisent pas toujours les mêmes logiciels, et ce tous les 10 jours. Alors, comment vont faire les équipes qui ont déjà une charge administrative importante ? »
Respecter l’un des formats de facture reconnus par la norme EN16931
La norme EN16931, publiée en 2017, vise à harmoniser la structure des données des factures électroniques en Europe. Elle sert de base à la réforme de la facturation électronique en ce qui concerne les formats acceptés :
- UBL (Universal Business Language) : bibliothèque libre de droits de documents commerciaux électroniques au format XML),
- CII (Cross Industry Invoice) : norme élaborée par l’organisme UN/CEFACT - United Nations Centre for Trade Facilitation and Electronic Business- et
- Factur-X : format mixte combinant un fichier de données structurées XML (format CII16b) et un fichier PDF (norme PDF/ A3).
Toutes les entreprises avec des transactions BtoB en France devront être en mesure de générer des factures électroniques dans un format structuré (parmi les 3 que nous venons de voir) pour être acceptées par l'Administration. Le format PDF ne sera plus accepté à terme. Si vous avez déjà dématérialisé vos flux de factures à destination des marchés publics par exemple et que vous avez choisi un format EDI type EDIFact, les PDP pourront transformer ces factures dans l’un des 3 formats conformes. En revanche, les entreprises n’ayant pas encore lancé le projet de dématérialisation des factures devront se demander lequel des 3 formats est le plus adapté à leurs process. Cette réflexion ainsi que la recherche de partenaires susceptibles de les accompagner peut déjà être entamée pour là aussi gagner du temps sur la suite du projet.
Cette réforme de la facturation électronique et ses nouvelles obligations pose encore de nombreuses questions. Les entreprises ont besoin d’être rassurées comme le soulignait Chrystelle Verlaguet car les mots figurant sur le papier vont prendre forme, vont devenir réalité avec une foultitude de questions, de tests, d’ajustements et de questions. Être accompagné est le vœu de 81% des personnes interrogées dans l’étude OpinionWay. Face au nombre important d’acteurs présents sur le marché (éditeurs de logiciels, opérateurs de dématérialisation et/ou plateforme partenaire, cabinets d'expertise comptable…), le choix du prestataire adapté à ses contraintes et process va vraiment être déterminante pour faire de cette mise en conformité le succès qu’elle peut être pour toutes les entreprises françaises, des TPE aux grandes entreprises en passant par les moyennes entreprises et les entreprises de taille intermédiaire.
